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Titre du blog : Ouiii, qui?
Auteur : wiki
Date de création : 22-03-2007
 
posté le 06-03-2008 à 14:15:27

jamais je ne suis seule quand la ville dort ... [Daphné]

 

Hier soir j'étais dîner avec chez un type que je connais à peine. 24 ans, ex-adepte du Sèvres à qui habituellement, je souriais. Je lui ai parlé pour la première fois lundi soir.  J'ai passé une excellente soirée, figurez vous qu'il cuisine à merveille (plus plaisant encore, il ne le sait pas), et qu'il est maniaque.  On s'est retrouvés à 7 dans un minuscule studio à manger par terre en écoutant la BO des Blues Brothers.

 

Et puis vers minuit on, on n'était plus que quatre, avec deux autres habitués du café de notre coeur et on s'est mis à en parler. Notre hôte était scénariste donc je lui ai demande s'il s'inspirait parfois des gens qu'on voyait tous les jours au café pour écrire. Parce qu'on en croise des personnages. Ils forment un univers à part entière. Ce sont des gens qu'on connaît à moitié.

 

 

 

Il y a cette femme qui m'intrigue. Taille mannequin, talons aiguilles, et teint basané. Impressionnante. Elle a 50 ans et en paraît 35. Je ne sais pas si c'est une belle femme. Certes elle plaît mais je pense que son assurance y est pour quelque chose. Lorsqu'elle passe la porte, on sent la température baisser, même en plein été. Elle a toujours une autre femme sur les talons. Maghrébine, de petite taille, crâne rasé, ne montrant strictement aucune marque de féminité. A tel point que je me suis longtemps demandé si ce n'était pas un homme. La première boit, l'autre suit. A tel point que parfois, la première, ayant abusé des bonnes choses, se met en plein milieu de la route en hurlant : "Prenez moi ! Prenez moi !", les yeux révulsés, déclamant celà d'un ton incantatoire. C'est effrayant. N'allez surtout pas dire que j'ai peur de tout.

 

A côté, et pourtant si loin, il y a un vieil homme d'environ 70 ans qui a ses habitudes (kir cassis, et pourtant, jamais éméché) Il vient tous les jours au café, à la même place. Il me raconte des histoires magnifiques. Cet homme a l'air d'être échappé de la Cage aux folles. Il a travaillé dans une fabrique de plumes pour les spectacles. Il est homosexuel, son ami est mort depuis peu alors ça le rend triste. Je me l'imagine dans sa jeunesse, avec des boa de plumes multicolores autours du cou et le sourire aux lèvres. Aujourd'hui encore il a un sourire magnifique. Cet homme est une crème. Il nous achète toujours des petits macarons au chocolat à la boulagerie d'en face parce qu'il sait que le serveur et moi, on adore ça. Lui, il n'aime pas. Je viens souvent juste pour le voir parce qu'il a l'air seul. Alors quand je suis assise au comptoir avec lui, on chante tous les classiques qui passent sur Nostalgie. C'est un fan de Joe Dassin alors je lui ai promis d'apprendre certaines chansons par coeur pour pouvoir chanter avec lui. J'entends encore sa petite voix aigüe... Hier il m'a dit: "Ma ptite margot, demain tu me verras pas, je suis invité chez mon voisin d'en bas, à dîner avec sa femme". Aujourd'hui je lui ai fait un gateau au chocolat pour qu'il puisse le ramener pour le dessert. J'irai le lui porter cet après midi.

 

Avant, à ma droite, il y en avait un autre. Je vous en ai déjà parlé de cet écrivain quarantenaire, poète dans l'âme, un peu trop porté sur le demi. Lui, il ne vient plus. C'est dommage qu'on se soit disputés à un tel point. Je n'aurais certainement pas la prétention de dire que s'il ne vient plus, c'est à cause de moi parce que c'est faux. Je préfère m'imaginer que sa vie a changé, qu'il a ses habitudes ailleurs, qu'il a rencontré d'autres filles un peu bizarres à qui il peut parler de son amour pour Beaudelaire, Rousseau et Michel Berger. Qu'est-ce qu'il m'envoyait déjà? Ah oui: "Comme un papillon à une étoile". Cet homme est resté bloqué au temps de Beaudelaire où l'amour n'avait pas d'âge et où les hommes étaient avec des filles encore bien plus jeunes. C'est pour ça que je ne trouve pas ça bizare. Pour moi, son prénom rime avec les odeurs de café et de tabac froid (oui je l'ai connu avant l'interdiction fatale...) C'étaient des lumières tamisées, un bruit de fond, les Fleurs du mal sur le comptoir, un pull marin rayé bleu et blanc, des "on ne dit pas "hein" on dit pardon.", un sourire étrange dévoilant des dents jaunies par le tabac. C'était la seule personne capable de me plonger dans ce que j'appelais un délicieux malaise. Il le savait. Je le croise souvent dans la rue. Lui dire bonjour est un effort surhumain pour moi alors je lui souris. On m'a dit que j'avais un air triste quand je lui souriais.

 

Il y en a tellement d'autres. Leurs vices me fascinent, que je les voies de près ou de plus loin. Je me nourris de leur manière d'être. Je leur emprunte leurs gestes, leurs expressions, leur manière de parler sans que ce soit perceptible. Ils peuplent mon imaginaire, une part de moi que je suis seule à connaître. Des fois, je me force à me rappeler que je n'ai que 16 ans, que je ne suis qu'une gosse, que j'ai rien à faire là. Tout le monde me le disait. Sandrine, Roger, Alain, un prof en art plastiques, un marin, un jeune, un fleuriste, le fromager... mais il me le disent avec un sourire au coin des lèvres. Après tout, si je ne coule pas? Pourquoi pas... 

 

 

 

 

Commentaires

lootr le 10-03-2008 à 16:00:01
ptin c'est bien écrit. je t'encourage à persévérer dans cette prose (!)
tilt le 09-03-2008 à 12:55:55
Margot et les cafés, une histoire d'amouuur Langue


J'admire, parce qu'il faut oser, alelr vers les gens comme ça, s'ouvrir à un tel point qui te fait rencontrer des gens dont tu ne soupçonnais pas l'existence mais qui t'apportes quand même beaucoup...


. =D
morry le 07-03-2008 à 14:10:11
tu devrais songer à ouvrir un café bresilien après le lycée!